28/08/2010

Réformes en série pour l'accueil familial et mise en place du salariat

 extrait de www.localtis.info

Réformes en série pour l'accueil familial et mise en place du salariat

publié le  24 août 2010
Alternative à l'hébergement en établissement, l'accueil familial des personnes âgées ou handicapées est resté longtemps marginal. Avec environ 10.000 familles d'accueil et 15.000 personnes accueillies, il commence à se développer. Afin de faciliter cette montée en charge, deux décrets modifient le statut des accueillants familiaux, les modalités de l'accueil et le rôle des départements en la matière. Les collectivités pourront être employeurs.

L'article 51 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a introduit une première réforme du statut des accueillants familiaux, autrement dit les personnes hébergeant à leur domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées. Le statut remontait jusqu'alors à la loi du 10 juillet 1989, qui a donné pour la première fois un cadre juridique à l'accueil familial. Mais la réforme de 2002 n'a pas répondu à toutes les attentes des accueillants familiaux, ni à celles des départements, qui agréent les candidats et assurent le suivi des accueils.
Pour sa part, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a prévu, dans son article 57, plusieurs mesures relatives aux accueillants familiaux, dont la principale est la création d'une possibilité de salariat (voir notre article ci-contre du 26 février 2007). Entre-temps, Valérie Rosso-Debord, députée de Meurthe-et-Moselle, avait remis en 2008 au ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité le rapport qu'il lui avait commandé, intitulé "Vers un nouvel accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées" (voir nos articles ci-contre du 19 février et du 24 novembre 2008).
Renversement de procédure pour l'agrément
Trois ans et demi après la publication de la loi de 2007, deux décrets du 3 août 2010 viennent à la fois mettre en oeuvre les dispositions de cette loi et apporter un certain nombre d'autres modifications importantes au statut et aux modalités d'exercice des accueillants familiaux.
Conformément aux préconisations du rapport Rosso-Debord, le premier décret (numéro 2010-927) modifie les modalités d'agrément des accueillants familiaux par les présidents de conseils généraux. Jusqu'à présent, l'absence de réponse du département dans un délai de quatre mois valait rejet tacite de la demande. Dorénavant, le silence du département équivaudra, au contraire, à une acceptation tacite de la demande d'agrément. Cette nouvelle modalité s'applique aux dossiers complets de demande d'agrément déposés postérieurement à la date de publication du présent décret (soit à compter du 8 août 2010). Le décret rappelle, par ailleurs, l'obligation de motiver les refus d'agrément. Il précise aussi que le même renversement de procédure s'applique aux demandes d'accord introduites auprès du président du conseil général par les employeurs d'accueillants familiaux en vertu du second décret du 3 août 2010 (2010-928).
Collectivités et associations pourront employer des accueillants
Ce second décret met en effet en oeuvre la principale novation introduite par la loi du 5 mars 2007 : son article 57 dispose que "les personnes morales de droit public ou de droit privé peuvent, après accord du président du conseil général du département de résidence de l'accueillant familial, être employeurs des accueillants familiaux mentionnés à l'article L.441-1 [du Code de l'action sociale et des familles]". En d'autres termes, alors que les accueillants exerçaient jusqu'alors une activité indépendante (le département se contentant d'agréer les candidats et d'assurer le suivi des accueils), la loi de 2007 permet aux collectivités et aux associations de devenir employeurs d'accueillants familiaux. Le décret du 3 août 2010 précise les modalités de mise en oeuvre de cette disposition. Il définit notamment la procédure et le contenu du dossier de "demande d'accord" que l'organisme employeur doit adresser au président du conseil général. Délivré pour cinq ans, cet accord est renouvelable par tacite reconduction. Le décret liste aussi les cas de figure qui peuvent justifier d'un retrait de l'accord délivré à la personne morale employeur.
Il définit par ailleurs les éléments qui doivent figurer dans le contrat de travail, avec en particulier des indications très précises sur les congés. Il fixe également le montant de la rémunération de l'accueillant familial (rémunération garantie de 2,5 fois la valeur horaire du Smic par personne accueillie et par jour rémunéré), ainsi que le mode de calcul des différents compléments : indemnité en cas de sujétions particulières, indemnité journalière représentative des frais d'entretien courant de la personne accueillie, indemnité pour les jours d'absence. Enfin, le décret précise divers aspects relatifs au droit du travail, comme les circonstances pouvant donner lieu à un licenciement pour motifs économiques (lorsque l'employeur n'est pas en mesure de proposer une personne à confier pendant une durée de quatre mois consécutifs).
Des "tiers régulateurs" pour assurer le suivi des accueils
Le second décret du 3 août 2010 comporte aussi plusieurs dispositions de portée générale. Il officialise ainsi la possibilité d'un accueil familial temporaire, séquentiel, de jour ou de nuit, alors que seul l'accueil permanent à durée indéterminée était reconnu jusqu'alors. Cette autorisation de l'accueil de jour et de l'accueil temporaire, destinée à diversifier les modes d'accueil familial, s'inscrit directement dans la lignée des préconisations du rapport Rosso-Debord.
La modification du contrat type permet également à l'accueillant familial de proposer "une chambre individuelle ou un logement, situé(e) sous le toit de l'accueillant familial" (logement distinct, petit studio), alors que certains départements refusaient jusqu'à présent de délivrer l'agrément dans une telle configuration.
De même, la nouvelle rédaction de l'article D.442 du Code de l'action sociale et des familles ne permet plus la pratique de certains départements consistant à fixer à moins de 2,5 Smic horaire la rémunération journalière pour services rendus lorsque les personnes accueillies s'absentent durant la journée (ce qui peut être le cas, par exemple, de personnes handicapées travaillant en établissement et service d'aide par le travail).
Enfin et surtout, le décret met en place le "tiers régulateur de l'accueil familial à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées". Ce terme très technique, mais plus neutre, a finalement été préféré au "mandataire renforcé" que préconisait le rapport Rosso-Debord. En pratique, il s'agit d'un organisme public ou privé auquel le département confie la mission d'assister les personnes âgées ou handicapées et les accueillants familiaux dans leurs relations et leurs démarches. Le décret du 3 août détaille la liste de ces missions, qui vont de l'assistance aux démarches administratives à la mise en place de formations, en passant par la recherche de places temporaires en établissements médicosociaux (pour permettre aux accueillants familiaux de prendre des congés), l'accompagnement et appui technique aux futurs accueillants familiaux, ou encore "la médiation en cas de litiges entre la personne accueillie et l'accueillant familial". Il précise également le contenu de la convention à conclure entre le président du conseil général et le tiers régulateur. Celle-ci distingue, le cas échéant, les prestations financées par le département de "celles qui peuvent être librement prestées et financées par les accueillants familiaux ou les personnes accueillies" (la convention mentionnant alors les tarifs applicables). Le contenu de cette convention est communiqué à la fois à l'accueillant familial et à la personne accueillie.
Malgré les changements importants introduits ou concrétisés par ces deux décrets, le dossier de la réforme de l'accueil familial n'est sans doute pas encore refermé. En recevant le rapport Rosso-Debord, Valérie Létard, alors secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, avait en effet annoncé cinq mesures pour développer l'accueil familial (voir notre article ci-contre du 24 novembre 2008). Trois d'entre elles se retrouvent dans les décrets d'août 2010, même si c'est parfois sous des formes un peu différentes de ce qui avait été annoncé : la modification des modalités d'agrément, l'autorisation de l'accueil de jour ou temporaire et la création du tiers régulateur. Deux autres restent en revanche à mettre en oeuvre : la création d'un label qualité pour l'accueil familial, sur la base d'un cahier des charges national (ce qui ne manquerait pas d'empiéter sur la mission d'agrément des candidats confiée aux présidents de conseils généraux) et l'autorisation de la rémunération du remplaçant de l'accueillant familial par le biais du chèque emploi service universel (Cesu) lorsque la structure porteuse est un groupement de coopération sociale ou médico-sociale.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : décret 2010-927 du 3 août 2010 relatif à la procédure d'agrément et à la procédure d'accord des particuliers accueillant à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées ; décret 2010-928 du 3 août 2010 portant modification de certaines dispositions du Code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire) relatives aux accueillants familiaux accueillant à titre onéreux des personnes âgées ou handicapées (Journal officiel du 7 août 2010).
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1 commentaire:

Odile Maurin a dit…

je m'inquiète de la facilité pour obtenir un agrément pour l'accueil familial car j'ai eu à connaitre des situations de famille qui recevaient des personnes âgées et les maltraitaient et cela sans grand contrôle de la part des Conseil Généraux .... donc à suivre...

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