mon commentaire :
Effectivement, les dernières réformes concernant l'AAH relève du jeu de bonneteau, où les usagers sont majoritairement perdants.
Par contre, les droits et les pourcentages d'incapacité qui fluctuent au gré des médecins rencontrés, ce n'est malheureusement pas une nouveauté, que l'on a bien connu avec les Cotorep, qui ont été remplacé depuis 2006 par les MDPH. Le principal problème est que l'on a affaire à des médecins qui ont encore trop souvent une vision purement médicale du handicap, alors que les barèmes existants insistent sur les conséquences que les déficiences et les incapacités ont sur les individus, et non pas sur les diagnostics. De plus, trop souvent, les médecins traitants et spécialistes du demandeur, remplissent très mal les certificats médicaux sans expliciter les conséquences du handicap dans la vie personnelle de l'intéressé.
Et surtout, le problème, c'est que trop souvent, les demandeurs sont vus comme des fraudeurs en puissance, alléchés par l'idée de survivre avec un revenu pourtant largement inférieur au seuil de pauvreté ! Et si objectivement, le montant de l'AAH est supérieur à celui du RSA, les bénéficiaires de l'AAH sont privés de CMU, alors qu'ils ont souvent d'importants frais de santé, il paye les franchises médicales, participations forfaitaires, forfait hospitalier et autre joyeusetés qui empêche de se soigner, et ils ne bénéficient pas des droits connexes (secours, réduction EDF-GDF, réduction internet,…) qui existent avec le RSA, en dehors de la réduction sociale téléphonique.
Par contre, il y a quelques inexactitudes dans l'article : la durée d'octroi de l'AAH est limitée à 2 ans, et non pas un an, pour les personnes qui ont un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 %, mais pour les personnes qui ont un taux d'incapacité d'au moins 80 %, la durée d'octroi reste de 5 ans. Et quand on sait qu'il faut environ 6 mois pour renouveler un dossier, cela revient à obliger le demandeur à être constamment en train de faire et refaire des dossiers et de se justifier. Quant à la condition de « restriction substantielle et durable de l'accès à l'emploi du fait du handicap », elle n'existe que pour les personnes dont le taux est compris entre 50 et 79 % et ne consiste pas simplement à considérer que la personne est « jugée incapable de travailler pendant un an ». Le problème est qu'un décret récent a défini de manière très limitative cette restriction substantielle et durable de l'accès à l'emploi sans tenir compte de tous les éléments environnementaux qui limitent de fait l'accès à l'emploi des personnes handicapées, comme les problèmes d'accessibilité, de transport, d'adaptation du poste de travail,…. Sans parler du problème du niveau de formation d'une majorité des personnes handicapées, quand on sait que nombre de ceux qui ont été touchés dans l'enfance ont été de fait privé de scolarité, et que le handicap à l'âge adulte touche de manière plus importante des personnes ayant un faible niveau d'instruction.
Il y a même eu une condition supplémentaire pour avoir l'AAH avec un taux de 50 %, c'était de ne pas avoir exercé d'activité professionnelle pendant un an, mais cette condition a heureusement été supprimée. Quant à la question de l'employabilité du demandeur, le gouvernement a commandé un rapport sur cette question avec le souhait, d'établir une grille où il suffirait de cocher des cases pour déterminer l'employabilité du demandeur, mais heureusement ceux qui se sont penchés sur la question ont expliqué que ce n'était pas possible.
Mais le gouvernement a quand même fait une réforme de l'employabilité, qui oblige à examiner systématiquement pour toute demande d'AAH une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Il y a aussi eu le décret qui prévoit une déclaration trimestrielle de ressources, mais cela concerne uniquement les bénéficiaires de l'AAH qui ont une activité professionnelle (contrairement aux propos de l'article), et en dehors de ceux qui travaillent en ESAT (emploi protégé). Sur le fond, c'était une bonne chose, car auparavant les ressources prises en compte pour le calcul de l'AAH était les ressource des années N -2, c'est-à-dire 2 ans avant, ne permettant pas de prendre en compte les changements de situation des demandeurs et provoquant beaucoup d'effets pervers. Le problème c'est que le nouveau mode de calcul mis en application par les CAF a fait perdre à certains bénéficiaires jusqu'à 30 € par mois ce qui représente beaucoup. Et il y a aussi les demandeurs qui ont du mal à assurer sur le plan administratif, et qui oublient de remplir à temps leur demande, et qui se retrouve de ce fait privé de droit. Ou ceux qui sont sous curatelle, et dont les curateurs ne font pas leur travail, ce qui est malheureusement trop fréquent.
Quant à la question du handicap psychique, il était pourtant pris en compte avant 2005 dans le guide barème Cotorep, mais le problème est que ce guide barème n'a jamais été appliqué et effectivement c'est la loi de 2005, qui en quelque sorte reconnu handicap psychique dans la définition que la loi donne des handicaps. Mais ce n'est pas ça qui explique l'augmentation du nombre de demandes, car dans les faits, le handicap psychique continu à être mal pris en compte, avec les patients qui ont du mal à accepter de faire reconnaître leurs handicaps, et qui se découragent facilement face à la complexité la longueur des dossiers et des délais pour les décisions.
Quant à la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) qui est censée couvrir les besoins d'aide humaine, d'aides techniques, d’aménagement du logement ou du véhicule, les critères d'éligibilité écartent une majorité de personnes, et ne sont pris en compte que les actes dits essentiels. Par exemple, vous n'avez pas droits d'avoir une aide à domicile pour vous faire les courses ni pour vous préparer les repas, mais elle peut par contre vous faire manger, mais la question c'est qu'est-ce qu'elle vous fera manger dans ces conditions ! Et interdiction de vous faire le ménage, mais on peut vous faire la toilette ! On est vraiment dans l'hypocrisie la plus totale ! Et il y a des départements qui vont jusqu'à contrôler exactement tout ce que font vos aides à domicile et qui sanctionnent les dangereux fraudeurs qui ont le malheur de ne pas vouloir manger la cuillère sans rien dedans !
En fait, la PCH n'a été un progrès que pour les personnes les plus lourdement handicapées, et encore, à condition qu'elles aient affaire à une MDPH qui respecte les textes et qui leur accorde les droits auxquels elles peuvent prétendre. Et comme la PCH est majoritairement financée par les conseils généraux, à cause du désengagement de l'État, un certain nombre d'entre eux sont tentés de limiter les droits des usagers.
Quant aux représentants des personnes en situation de handicap et de leur famille qui siège en CDAPH (commission de la MDPH qui accorde les prestations), ils sont minoritaires dans les commissions, et surtout, si les personnes concernées ne les sollicitent pas directement, il y a tellement de dossiers que bien souvent les votes se font sur liste. Par exemple dans mon département il y a chaque semaine environ 1000 à 1500 dossiers de présentés en commission et seulement 2 à 3 personnes qui viennent défendre leur dossier. Et il y a beaucoup de département où de toutes façons les usagers sont découragés ou même pas informés de leurs droits à venir défendre eux-mêmes leur dossier ou à se faire assister ou représenter. Et puis tous les représentants associatifs n'ont pas toujours un niveau de compétence suffisant pour contester les positions des personnels des MDPH.
En résumé, je peux vous assurer que vivre avec un handicap est vraiment un emploi à plein temps qui rapporte malheureusement des clopinettes !
Odile MAURIN
présidente d'Handi-Social http://v2.handi-social.fr/
membre de la CDAPH de la Haute Garonne
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