09/09/2015

Point de vue – « Accessibilité : de la procrastination homicide et des tripatouillages normatifs irraisonnés…  » par Christian François - freemium - Logement

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Point de vue – « Accessibilité : de la procrastination homicide et des tripatouillages normatifs irraisonnés…  » par Christian François - freemium - Logement
Christian François, administrateur de l’Association Nationale Pour l’Intégration des personnes Handicapées Moteurs (ANPIHM) et spécialiste des questions d’accessibilité voit dans les dernières mesures de simplification des normes d’accessibilité et la mise en place de nouveaux délais de mise en conformité des établissements recevant du public avec la réglementation une source de danger pour la santé des personnes qu’elles soient en situation de handicap ou non.
Jusqu’alors, quand nous affirmions que comprendre l’accessibilité comme une revendication catégorielle des seules personnes dites handicapées était une erreur tant cette notion répond à l’intérêt général – à celui des « mamans avec poussettes » comme à celui des personnes âgées en perte de mobilité – jamais nous n’aurions imaginé devoir étayer notre propos par un fait divers aussi dramatique que celui survenu le 21 août dernier à Montluçon.
A l’approche de la gare, un train a heurté une poussette dont une des roues était coincée entre les planches disjointes d’un passage piéton planchéié. Grièvement blessée, Kaila, trois mois, n’a pas survécu à ses blessures.
La justice, saisie, appréciera les faits et les responsabilités. Mais d’ores et déjà cependant, avec l’ordonnance du 26 septembre 2014, dont le versant « bouclier pénal rétroactif » se dévoile ici, les éventuels responsables semblent à l’abri de tout grief au motif de non-respect des règles d’accessibilité, puisque la dite ordonnance leur alloue neuf ans de délais supplémentaires.
Or, au vu des articles et photos du quotidien « La Montagne » et instruits de notre expertise d’usagers avertis nous ne doutons pas que la non-conformité, au titre de l’accessibilité, de cet ouvrage est la cause première de l’accident. Si ce passage planchéié avait été mis aux normes « accessibilité » dans les délais impartis par la loi du 11 février 2005, la poussette n’aurait pas été
accidentellement immobilisée par un plancher disjoint ou une lacune excessive et la petite victime serait toujours vivante.
Ce n’est pas « récupérer » ce drame que de l’évoquer pour attirer l’attention sur ce qu’il démontre à contrario : la symbiose vitale de la sécurité et de l’accessibilité. Si l’une de ces notions est amoindrie, la seconde ne peut qu’en pâtir.
Or, à la lecture du futur décret et de l’arrêté « modifiant les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles neufs » (textes soumis à la consultation du Conseil national consultatif des personnes handicapées et pas encore publiés ndlr) – on s’aperçoit que les services du ministère du Logement répondent de manière aussi inconséquente qu’inacceptable aux seuls intérêts de ceux des acteurs de la construction qui accusent l’accessibilité de tous leurs maux conjoncturels.
Des règles existantes insatisfaisantes
Pour preuve et sans revenir ici en détail sur cette problématique, voir ce précédent Point de vue : Accessibilité-la largeur du sas d’accès au parking en question. Pour ne pas imposer la seule disposition pertinente permettant d’assurer la sécurité des UFR (Utilisateurs de Fauteuils Roulants) à l’intérieur d’un sas de protection, les services de Mme Pinel affirment que les risques d’incendie dans les parkings sont nuls… A chacun d’apprécier, au choix, la pertinence ou la suffisance du propos.
De deux choses l’une :
–soit cette allégation est vérifiée mais alors pourquoi imposer le moindre sas ?
–soit, et les plus hautes autorités en matière de sécurité nous ont répondu partager notre analyse, les risques existent et imposent des sas assurant la sécurité de tous, donc celle des personnes contraintes de se déplacer en fauteuil roulant.
C’est précisément ce qu’assurait l’article PS8 du règlement de sécurité avant que d’être victime de tripatouillages normatifs inconsidérés.

L’annonce d’une régression normative mortifère
En matière d’ habitat nouveau, nous sommes tout aussi persuadés que les mesures concédées, sans le moindre discernement, par le ministère du Logement à ceux des acteurs de la construction les moins soucieux de l’intérêt général se traduiront par une augmentation des ACVC (ACcidents de la Vie Courante) chez la composante de la population la plus concernée par l’accessibilité, tant en nombre qu’en devenir: celle des personnes âgées, par essence en perte progressive de mobilité.
Selon les dernières statistiques de l’INVS en matière d’ ACVC, 7700 personnes de plus 75 ans décèdent, chaque année, par chute. Plus de 4000 de ces chutes mortelles se produisent au domicile des victimes. Une donnée comparable au décompte des victimes des accidents de la route.
Or, si les efforts de prévention en matière de sécurité routière sont, à défaut d’être suffisants, orientés de manière à contenir l’hécatombe, il semble que toute notion de prévention des risques assurée par une architecture novatrice échappe à ceux, qui, sous couvert de simplifier les normes, accroissent la dangerosité de l’habitat et notamment de ce symbole de l’inaccessibilité ordinaire : les escaliers,

Alors que selon une étude canadienne très détaillée les escaliers domestiques sont à l’origine de 25% des ACVC mortels (les normes canadiennes étant plus « généreuses » que les normes françaises, le ratio « français » est vraisemblablement plus élevé), l’analyse des propositions de simplification des normes n°23, 30 et 36 de Mme Pinel démontre en effet une aggravation de leur dangerosité.
De plus en refusant d’abaisser de R+4 à R+3 le seuil déclencheur d’obligation d’ascenseur on accroit le rôle de « dégagement unique », sans disposition d’effet équivalent, des escaliers. Et on multiplie les risques d’accidents.
©source:Anpihm -L'établissementdenouvellesnormespour lesescaliersdevraitlimiter lespossibilitésdecirculationetdemanoeuvre
Disposition n°23:«Supprimer les dispositions pour l’accessibilité auxpersonnes en fauteuils roulant aux étages non accessibles ».
Le point de vue de l’ANPIHM : En considérant que les espaces de manoeuvre de porte sont uniquement demandés au titre de l’article L 111-5 du CCH (passage du brancard normalisé) et non au titre de l’accessibilité comme le sous-entendent les défenseurs de cette mesure inepte, on contrevient aux règles de sécurité. (Voir ce précédent Point de vue )
Dispositionn°30:«Mettre encohérence laréglementationetlanorme pour lamesure de la ligne de foulée dans un escalier tournant ».
Le point de vue de l’ANPIHM : nous avions alerté dès 2006 sur l’incohérence d’une réglementation qui posait un problème de sécurité en inversant le sens d’une formule édictée par les plus grands architectes de la Renaissance, voire du Moyen Age, et nous demandions à ce que ces escaliers respectent les règles de l’art. Ce qui à l’époque nous avait valu cette ineffable réplique de l’administration : « Toutefois les escaliers en colimaçon ne seront pas interdits car cela nous semble exorbitant par rapport aux habitudes de la profession. En revanche, ils seront aménagés pour les rendre plus adaptés ».
D’une part l’incohérence, reconnue par Mme Pinel de l’inversion du repère où doit se caller la ligne de foulée en confondant « intérieur » et « extérieur » de l’escalier, n’est aucunement corrigée dans les textes règlementaires que la ministre a présenté au CNCPH. D’ autre part l’analyse de sa proposition n° 36 à suivre atteste d’une traduction de l’expression «plus adaptés » pour le moins surprenante.
Enfin cette « incohérence » atteste d’un non-respect de la finalité hiérarchique des textes règlementaires en renvoyant à une circulaire, texte par essence non opposable, des dispositions ne pouvant répondre qu’à un texte opposable, en l’occurrence un arrêté, pour exister.
Disposition n°36:«Revoirl’obligationdeladeuxièmerampedanslesescaliers tournants »
Le point de vue de l’ANPIHM : les escaliers concernés sont ceux de tous les bâtiments collectifs d’habitation équipés d’ascenseurs, donc R+4 et plus, hébergeant de facto plusieurs dizaines d’habitants. La probabilité que ces derniers soient amenés à s’y croiser n’est pas négligeable. Or à quoi pourra se tenir l’usager « intérieur » en l’absence de tout point d’appui dans un escalier proposant, au collet, une profondeur de marche de 6 cm?
L’absence de main courante « intérieure » autoriserait des escaliers moins larges qui présenteraient, mathématiquement,ungironde24cm,bienéloignédugironde28cmrequis aussibienparles règles de l’art et de sécurité, que par les règles d’accessibilité définies par le même texte règlementaire deux lignes plus haut… Comprenne qui pourra, mais impossible de croire que cette disposition réponde à la promesse de l’administration : « En revanche ils ( les escaliers) seront aménagés pour les rendre plus adaptés ».

Disposition n° 5 : «Supprimer le sas entre le cabinet de toilettes et le séjour ou la
cuisine ou la pièce où sont pris les repas ».
Le point de vue de l’ANPIHM : revenir sur cette disposition appliquée depuis le 1 er décembre
2014, atteste de l’état d’esprits de ses commanditaires et de ses rédacteurs. En réponse à une
polémique naissante, l’administration a répondu publiquement que cette disposition n°5 avait pour
finalité de faciliter l’adaptation des petits appartements aux personnes handicapées. Le « hic » c’est
que cette disposition a toujours été la règle pour les studios et tolérée pour certains deux pièces.
Si comme tout un chacun nous pouvons comprendre, sans pour autant penser que cela soit
forcément indissociable, qu’une crise conjoncturelle puisse conduire à moins construire nous ne
pouvons accepter que cela justifie de mal construire, au point de compromettre la sécurité de tous.
Comment croire à l’avenir de la Conception Universelle quand la symbiose de la sécurité et de
l’accessibilité, un de ses fondamentaux en place depuis la loi du 30 juin 1975, est ouvertement remis
en cause avec autant de légèreté ?
Peut-on imaginer le sort des personnes dites handicapées et des personnes à mobilité réduite
dépendre de telles régressions, qui plus est dans le contexte du projet gouvernemental d’adaptation
de la Société au vieillissement de la population ?

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