29/06/2013

How Austerity Kills - NYTimes.com

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Comment l’austérité tue
How Austerity Kills
By DAVID STUCKLER and SANJAY BASU
Published: May 12, 2013
NY Times website

Traduction par Christian Lefaure ATTAC France
Au début du mois dernier, un triple suicide a été  rapporté dans la ville de Civitanova au bord de la mer, dans les Marches en Italie. Un couple marié, Anna Maria Sopranzi 68 ans et Roméo Dionisi 62 ans s’était battu pour survivre avec environs 500 euros par mois et ne pouvait même plus payer son loyer. Le budget d’austérité du gouvernement italien a repoussé l’âge de la retraite, Mr Dionisi un ancien travailleur du BTP, est alors devenu l’un des « esilati» d’Italie (NDLR : les exilés de la société), - des travailleurs âgés sans couverture sociale. Le 5 Avril, lui et sa femme ont laissé un petit mot sur la voiture d’un voisin pour demander pardon, puis ils se sont pendus dans un cabinet de rangement de leur maison. Quand le frère de Mme Dionisi, Giuseppe Sopranzi a entendu les informations, il s’est jeté dans la mer Adriatique.
La corrélation entre chômage et suicide a été observée depuis le 19ème siècle. Le taux de suicide est environ deux fois plus élevé chez les chômeurs que dans la population qui travaille.

Aux USA, le taux de suicide, qui avait lentement cru depuis l’an 2000, a soudainement fait un bond pendant et après la récession de 2007-2009. Dans un nouvel ouvrage, nous estimons à 4750 les suicides en excès – c.a.d. , les décès qui sont survenus entre 2007 et 2010 en supplément de ce que laissaient prévoir les tendances précédentes.   Les taux de suicides sont plus élevés de façon significative dans les Etats qui ont eu les plus grandes pertes d’emploi. Les morts par suicide ont dépassé les morts par accidents de la route en 2009.

Si les suicides étaient une conséquence inévitable des récessions, le tribut humain aurait été  encore bien pire lors de la Grande Crise (ndlr 29). Mais ce n’est pas le cas.  Les pays qui coupent leurs budgets de protection sociale et de santé comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne, observent  des impacts sur la santé nettement plus importants que des pays qui préservent leurs systèmes de protection sociale et ont opté pour la stimulation (de l’économie) plutôt que pour l’austérité, comme c’est le  cas en Allemagne, en Islande et en Suède : l’Allemagne prêche les vertus de l’austérité - pour les autres). 

Chercheurs en santé publique et économie politique, nous avons observé, consternés, comment les « politiques » discutent sans fin de la dette et des déficits sans tenir compte des coûts humains de leurs décisions. Pendant la décennie passée, nous avons compulsé et analysé un énorme ensemble de données provenant de l’ensemble du monde pour comprendre comment les chocs économiques - de la crise de 29, à l'effondrement de l'Union Soviétique, à la crise financière asiatique, et à la grande crise actuelle – (ont) affect(é)ent notre santé.
Ce que nous avons trouvé, c’est que les hommes ne tombent pas inévitablement malades ou ne meurent pas parce que l’économie a vacillé. A l’inverse il s’est avéré que la Politique Fiscale peut être une question de vie ou de mort.

A un extrême il y a la Grèce, qui est en plein désastre de santé publique. Le budget national de la santé a été réduit de 40% depuis 2008 ; pour répondre en partie aux objectifs de réduction des déficits imposés par la troïka, - FMI, BCE et Commission Européenne, - dans le package d’austérité de 2010. Quelques 35000 médecins, infirmières, et autres agents de la santé ont perdu leur travail. Les admissions aux hôpitaux ont fait un bond car les Grecs n’obtiennent plus de traitement courant et préventif en raison de longs temps d'attente et des coûts croissants des médicaments. La mortalité infantile a monté par 40 pour cent. Les nouvelles infections au H.I.V. ont plus que doublé, avec l’augmentation de la consommation de drogue en intraveineuse – et la suppression du budget pour les programmes de remplacement des aiguilles. Suite à la réduction des programmes de pulvérisation des moustiques en Grèce du sud, un nombre significatif de cas de malaria a été enregistré pour la première fois depuis le début des années 70.

A l’opposé, l’Islande a évité le désastre de santé publique, tout en ayant, en 2008, la plus grande crise bancaire de l’histoire, si l’on tient compte de la taille de son économie. Après que trois des plus importantes banques privées se soient effondrées, la dette totale a fait un bond, le chômage a été multiplié par neuf, et la valeur de la devise, la couronne, s’est effondrée. l'Islande est le premier pays européen qui est allé rechercher une aide auprès du FMI dès 1976. Mais au lieu de sauver les banques et de réduire des budgets, comme le FMI l’exigeait, les « politiques » de l'Islande ont pris une mesure radicale : ils ont soumis l'austérité au vote. A l’occasion de deux référendums, en 2010 et 2011, les Islandais ont voté d’une manière écrasante pour que les créanciers étrangers soient remboursés graduellement, plutôt que d'un seul trait par la mise en œuvre de l'austérité. L'économie de l'Islande a en grande partie récupéré, alors que la Grèce est prête s’effondrer. Personne n’a perdu la couverture sociale ou l’accès aux soins, alors même que le prix des médicaments importés montait. Il n'y a eu aucune augmentation significative des suicides. L'an dernier, le premier rapport des Nations Unies sur le bonheur dans le Monde. (World Happiness Report) a classé l'Islande comme l’une des nations les plus heureuses du monde.

Les sceptiques mettront en avant les différences structurelles entre la Grèce et l'Islande. La participation de la Grèce à la zone euro a rendu la dévaluation de sa monnaie tout à fait impossible, et ses « politiques » ont eu moins de degré de liberté pour rejeter les appels du FMI à l’austérité. Mais un tel contraste renforce notre thèse qu'une crise économique n’implique pas nécessairement une crise de santé publique.

Quelque part entre ces deux extrêmes il y a la situation aux Etats-Unis. Au commencement en 2009, le train de mesures de stimulation (NDLR : de l’économie) a renforcé le système de protection sociale. Mais il y a des signaux d'avertissement - cadence plus élevée de suicide – dégradation des indicateurs de santé. Les prescriptions pour des anti - dépresseurs ont monté en flèche. Trois quarts de million de personnes (en particulier des jeunes hommes au chômage) se sont tournés vers la boisson. Plus de cinq millions d'Américains ont perdu l’accès aux soins de santé dans la récession parce qu'ils ont perdu leur travail (et soit ne pouvaient se permettre de prolonger leur assurance en vertu de la loi Cobra ou avaient épuisé leur admissibilité). Les visites médicales préventives (de soins primaires) ont chuté, parce que les gens repoussent leurs soins et cela se termine dans les salles d’urgence. (le système de santé Health Care du président Obama ne se met en place que progressivement).

Les 85 billions (un billion = 1000 milliards) de dollars qui sont « séquestrés » depuis le 1er mars vont couper des ressources alimentaires pour 600000 femmes enceintes, nouveaux nés et enfants d’ici la fin de l’année. Les fonds pour les logements à caractère social vont être réduits de presque 2 billions de dollars …. Même le budget des Centres pour le contrôle des maladies et la prévention, qui sont la ligne de défense principale de la nation contre les épidémies, comme celle l’an dernier de la méningite fongique, va être réduit cette année de 293 millions de dollars.

Pour tester notre hypothèse que l’austérité est mortelle, nous avons analysé des données d’autres régions du monde. Après la chute de l’Union Soviétique, en 1991, l’économie Russe s’est effondrée. La pauvreté est montée en flèche et l’espérance de vie a chuté, particulièrement chez les jeunes hommes en âge de travailler. Mais cela n’est pas arrivé partout dans les pays de l’ex sphère soviétique. La Russie, le Kazakhstan et les pays Baltes, - qui ont adopté une thérapie économique de choc, telle que préconisée par les économistes Jeffrey D. Sachs and Lawrence H. Summers, - ont eu les pire taux de croissance des suicides, des crises cardiaques et des décès liés à la consommation d’alcool. D’autres pays comme la Biélorussie, la Pologne, la Slovénie ont adopté une approche différente, graduelle, telle que préconisée par Joseph E. Stiglitz et le président Mikhail S. Gorbachev. Ces pays ont privatisé par étapes leurs économies qui étaient sous le contrôle de l’Etat et ils ont eu de bien meilleurs situations de santé que leurs voisins qui avaient opté pour des privatisations et licenciements de masse, ce qui avait causé d’importantes ruptures économiques et sociales. 

Comme la chute de l’Union Soviétique, la crise financière asiatique permet d’examiner d’autres études de cas comme dans une sorte d’expérimentation naturelle. La Thaïlande et l’Indonésie, qui mirent en place les plans d’austérité drastiques imposés par le FMI, ont vécu des famines de masse et une croissance aigue des décès par maladies infectieuses, alors que la Malaysie, qui a résisté aux conseils du FMI, a sauvegardé la santé de ses citoyens. En 2012, le FMI s’est excusé pour sa gestion de la crise, estimant que les dommages dus à ses recommandations avaient été trois fois supérieurs aux hypothèses antérieures. 

L’expérience de la grande Dépression (crise de 29) est aussi instructive. Durant cette crise, le taux de mortalité aux USA a diminué de 10%. Le taux de suicide a pourtant éclaté entre 1929 (crash de la bourse) et 1932, quand le président Roosevelt fut élu. Mais cet accroissement des suicides fut plus que masqué par la « transition épidémiologique », - améliorations dans l’hygiène publique qui permit de réduire les maladies infectieuses comme la tuberculose, la pneumonie, la grippe-, et par une réduction drastique des accidents de la route mortels, car les américains n’avaient plus les moyens de conduire. En comparant les séries statistiques des différents Etats (ndlr américains), nous avons pu estimer que pour 100 $ par habitant dépensé dans le New Deal correspondait à un déclin des décès par pneumonie de 18 pour 100000 habitants, une réduction de la mortalité infantile de 18 pour 1000 naissances d’enfants vivants, une réduction des suicides de 4 pour 100000 habitants.

NOTRE RECHERCHE suggère qu’en investissant 1$ dans les programmes de santé on peut engendrer jusqu’à 3$ de croissance en économie. La Santé Publique ne se contente pas de sauver des vies pendant les récessions, elle aide au redémarrage de l’économie. Ces résultats nous ont conduit à dire que trois principes devraient guider les réponses aux crises économiques.

Tout d’abord ne pas être nuisible: si l’austérité était testée comme le sont les médicaments dans des essais cliniques, elle aurait été stoppée depuis longtemps compte tenu de ses effets secondaires mortels. Chaque nation devrait établir un Office de la responsabilité en Santé, indépendant, composé d’épidémiologistes et d’économistes, pour évaluer les effets sanitaires des politiques fiscales et monétaires.

En second lieu, traiter l’absence de travail comme la pandémie qu’elle est. Le chômage est une cause de dépression, d’anxiété, d’alcoolisme, et de pensées suicidaires. Les hommes politiques en Finlande et en Suède ont aidé à la prévention des dépressions et suicides pendant les récessions économiques en investissant dans des programmes « actifs sur le marché du travail » qui se focalisaient sur les nouveaux chômeurs, les aidaient à retrouver rapidement des jobs, et cela avec des résultats bénéficiaires pour l’économie.

Finalement, augmenter les investissements en santé publique en période difficile. Le cliché qu’une gramme de prévention est bien meilleur qu’un kilo de soins est parfaitement vrai. Il est beaucoup plus coûteux de contrôler une épidémie que de la prévenir. La ville de NY dépense Un Billion de $  pour contrôler un éruption de tuberculose résistante aux antibiotiques. La résistance aux antibiotiques est le résultat de l’incapacité de la ville à assurer aux tuberculeux pauvres l’obtention de leur prescription de médicaments génériques peu couteux.

Il n’est pas besoin d’être des économistes idéologues, et nous ne le sommes certainement pas, pour reconnaître que le prix de l’austérité peut être estimé en vies humaines perdues. Nous ne voulons pas exonérer les mauvaises décisions politiques du passé ; nous ne demandons pas l’annulation totale de la dette. Il revient aux hommes politiques Américains et Européens de décider des politiques fiscales et monétaires. Ce que nous avons trouvé c’est que l’austérité, avec des réductions des dépenses sociales et de santé sévères, immédiates, indiscriminées, n’est pas seulement vouée à l’échec, mais elle est aussi mortelle.

David Stuckler, a senior research leader in sociology at Oxford, and Sanjay Basu, an assistant professor of medicine and an epidemiologist in the Prevention Research Center at Stanford, are the authors of “The Body Economic: Why Austerity Kills. Ed basic books
 

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